dimanche 28 juin 2015

Le Labrador (John James Audubon)

"Nous parlâmes du pays où nous nous trouvons, des différents moyens de vivre et de prospérer ici, non seulement pour notre espèce, mais pour toutes les autres, et également de l'énorme destruction que l'on fait de tout par ici, excepté des rochers; les autochtones eux-mêmes disparaissent devant les spoliations des Blancs, qui considèrent sans pitié la dégénérescence des pieux Indiens dont ils volent le territoire, la nourriture, le vêtement et la vie. Parce que le cerf de Virginie, le caribou et tous les autres gibiers sont tués pour l'argent que leur fourrure rapporte, l'Indien doit chercher en vain dans son pays dévasté ce qui lui est nécessaire pour vivre, jusqu'à ce qu'épuisé de misère, de désespoir et de famine, il parte loin de son territoire d'origine pour un autre plus lointain encore, qui sera pareillement envahi, à moins qu'il ne se couche sur les rochers du rivage pour mourir. On nous dit souvent que c'est le rhum qui tue l'Indien, je ne le crois pas, c'est le plus souvent le manque de nourriture et le désespoir lorsqu'il voit disparaître tout ce qui était abondant autrefois avant que l'homme blanc ne s'introduise dans son pays et massacre les animaux qui le nourrissaient et l'habillaient depuis la création. La nature elle-même semble vouée à disparaître. Le Labrador devra se dépeupler rapidement, non seulement de ses autochtones, mais de tout ce qui vit, à cause de la cupidité de l'homme. Lorsqu'il n'y aura plus de poisson, ni gibier, ni oiseau dans ces monts, ces rivages et ces rivières, le pays sera abandonné et désert comme un champ épuisé."

John James Audubon, Journal of Labrador, 21 juillet 1833. Traduit de l'américain par Pierre-Olivier Combelles. 


 Camp de chasse avec les Indiens Montagnais de La Romaine. Environs de Wolf Bay. Août 1993. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

dimanche 14 juin 2015

Un voilier passe...



La goélette Ripley devant la côte du Labrador, en 1833. John James Audubon garda toute sa vie, comme moi, la nostalgie de ce pays magique où nous reviendrons peut-être un jour ensemble. Crayons de couleur. Dessin par Pierre-Olivier Combelles (Sorata, Bolivie, 2001).



Un voilier passe…

Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin,
et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti ! »

Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter
sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
pas en lui.

Et juste au moment où quelqu'un près de moi
dit : «il est parti !»
il en est d'autres qui le voyant poindre à l'horizon
et venir vers eux s'exclament avec joie :
« Le voilà ! »

C'est ça la mort !
Il n'y a pas de morts.
Il y a des vivants sur les deux rives.


William Blake (1757-1827)
Chants d'Innocence ; Le Mariage du Ciel et de l'Enfer ; Chants d'Expérience.

La magie du Québec-Labrador